FR


Humboldt et Bonpland à Tenerife

Ecrit par Manuel Hernández González
Traduit de l'espagnol au français par : Jean-Paul Duviols

© Claudia Isabel Navas, Association Enlaces Artisticos
L’objectif principal de Humboldt, lors de son séjour aux îles Canaries, auxquelles il consacre une bonne partie du premier tome de son Voyage aux régions equinoxiales, est d’étudier la géographie de l’archipel. C’est pour cette raison qu’il explique dans le premier chapitre de son voyage qu’il a voulu commencer son récit par celui d’une excursion jusqu’au sommet du Pic du Teide et non pas par le récit des projets qu’il n’a pas pu réaliser. La nature volcanique des îles, la variété des régions géographiques et des microclimats sur une surface d’à peine quelques kilomètres carrés était bien faite pour séduire immédiatement le savant berlinois. Sa relation n’est pas un simple récit de voyage, car elle est écrite avec le recul comparatiste d’un long périple de cinq ans à travers le Nouveau Monde. Il rassemble, avec une grande avidité, les revues et les livres qui ont été écrits au sujet de l’archipel, il sollicite le témoignage de première main, d’éminents scientifiques qui connaissaient déjà ces îles et qui pouvaient lui être d’une aide précieuse. Aujourd’hui encore, on est étonné de la quantité considérable de sa documentation, parmi laquelle figurent des manuscrits de Borda, d'Armstrong et d’O’Donnell, dont certains se sont perdus depuis. Le scientifique français Auguste Broussonet, consul de France aux Canaries, lui a fourni de façon permanente des renseignements sur les régions qu’il ne put visiter lors de son bref séjour. Son initiative et son insistance pour compléter ces informations auprès de son ami d’enfance le géologue Léopold von Buch et auprès du professeur de Botanique norvégien Christian Smith, furent récompensées en 1815, avec la parution très attendue de la Descrition physique des Iles Canaries de von Buch. Il utilise cet ouvrage en reconnaissant ce qu’il lui doit. Il rectifie son schéma des niveaux de végétation de la géographie insulaire et il modifie son jugement sur l’origine des plantes, en mettant en valeur l’originalité du dragonnier, arbre sauvage et autochtone qui n’est pas originaire des Indes Orientales.

 Grâce à tous ces documents, les pages qu’il écrit sur la géographie de l’île le conduisent à donner une vision dynamique et historique de la Nature, à recréer une science du paysage, car c’est le premier qui parle de paysages naturels et de paysages transformés par l’homme. Son schéma des étages végétaux de l’île suppose un changement qualitatif dans l’analyse géographique, capitale pour l’étude des formes dynamiques du paysage avec une étude des plantes qui s’intègre dans le milieu. Malgré la pauvreté des données relatives à la géographie humaine, il critique les institutions féodales, fait l’éloge du cosmopolitisme de certains secteurs de groupes privilégiés et élabore quelques notions précises au sujet de l’identité de l’habitant des îles. Cosmopolitisme qui présente à la fois des caractères de montagnard et d’insulaire. Humboldt considère que les progrès de l’agriculture en Amérique, doivent beaucoup à l’expérience des Canariens. Il a une vision critique des premiers habitants, auxquels on applique le mythe du “bon sauvage” et dont il pense qu’ils sont d’origine berbère.